La hausse des prix des hydrocarbures est devenue un sujet d’inquiétude qui alimente de nombreux écrits au Burkina et suscite des remous sociaux à travers le monde.
Les spécialistes prévoient un maintien de la tendance à la hausse jusqu’à la fin de cette année. Les baisses ne pourraient survenir qu’au cours de l’année 2006, voir 2007 où les prix du pétrole se situeraient à l’intérieur d’une fourchette de 30 à 40 dollars le baril. Cependant, ces prix seront toujours largement au-dessus des prix des années 1990.
Cette note de conjoncture produite par le CAPES vise à apporter un éclairage sur la situation en présentant la politique des prix des hydrocarbures au Burkina, les conséquences de la hausse des prix sur l’économie, et suggérer des solutions à la situation actuelle.
Au Burkina, les prix des hydrocarbures sont fixés mensuellement par un comité interministériel sur la base des cours mondiaux des 25 derniers jours. L’analyse de la structure des coûts actuels indique que pour les deux principaux produits importés à savoir le gasoil et le super 91 (respectivement environ 40% et 30% des importations), les taxes constituent 29% pour le premier et 41% pour le second.
Pour le super 91, la taxe la plus élevée est la taxe sur les produits pétroliers (TPP) : elle représente 22% du prix total. Pour ce qui concerne le gasoil, c’est la TVA qui est la plus grande taxe avec 13% du prix final ; ce montant de TVA est toutefois inférieur à celui qui est appliqué sur le super 91.
Ces taxes ne sont pas particulièrement élevées par rapport à celles appliquées pour certains produits, mais le caractère stratégique et social des hydrocarbures les rend plus pesantes.
Le gouvernement a pris la mesure de cette situation, c’est pourquoi l’arrêté fixant le niveau de la TPP vient d’être amendé. Ce réaménagement crée plus de flexibilité en autorisant une révision de la TPP à n’importe quelle période de l’année en lieu et place de la révision annuelle. Cette nouvelle disposition ouvre la porte à une meilleure gestion des prix à la pompe, compatible avec les objectifs de stabilité économique affichés par le gouvernement.
Le fait également que le niveau des prix dépende fortement des taxes, indique que le gouvernement a les moyens d’avoir une influence sur le niveau des prix intérieurs.
De fait, les prix restent toujours élevés si on les compare à ceux pratiqués dans les années 1990, et cette situation a des conséquences sur l’ensemble de l’économie. La comparaison avec les pays de l’Afrique de l’Ouest indique que le Burkina est le pays le plus cher pour le gasoil, avec des écarts allant de 3.51% (Niger) à 52% (Ghana).
Pour l’essence, les écarts sont très élevés avec les pays côtiers comme le Togo et le Bénin notamment, et cela n’est pas explicable par la seule différence des coûts de transport.
Les analyses faites dans cette étude indiquent que la hausse des prix des hydrocarbures entraîne une hausse du niveau général des prix à cause de la réaction plus que proportionnelle des agents économiques à cette hausse des prix des hydrocarbures. En effet, les commerçants et les producteurs augmentent les prix de manière spéculative, amenant les travailleurs à réclamer plus de pouvoir d’achat. C’est pourquoi on peut rentrer dans une spirale inflationniste si la hausse se poursuit.
Le modèle que nous avons utilisé indique que ce mouvement a un impact sur la production globale qui baisse en deçà de son niveau potentiel. Les analyses montrent également qu’il a un impact négatif sur le bien-être de la population et peut augmenter l’incidence de la pauvreté qui touche déjà près de 46% de la population.
Sur les dix dernières années, les recettes fiscales du Burkina ont représenté en moyenne 110 milliards par an. Les recettes fiscales liées aux hydrocarbures ont représenté presque le quart de ce montant. Leur dynamique a été très différente de celle des autres recettes de l’Etat. En effet, entre 1995 et 2004, les taxes sur les hydrocarbures sont passées de 20 milliards à 42 milliards, soit plus qu’un doublement, alors que durant la même période, les autres recettes fiscales de l’Etat ont évolué seulement de 32,53%.
Le système de taxation des hydrocarbures a été bâti sur deux volets qui, en principe, permettent de stabiliser les recettes fiscales liées à ces produits.
La TPP est une taxe qui est basée sur les quantités et non sur les prix CAF des hydrocarbures. Ce qui fait que les fluctuations des prix, au niveau international, ne doivent pas normalement jouer sur les recettes issues de cette taxe à moins que l’on suppose qu’il y ait une baisse des importations due à la hausse des prix. Cela n’est pas le cas du Burkina, où les importations d’hydrocarbures semblent plus liées au niveau de l’activité économique qu’aux prix internationaux.
La TVA et les droits de douane sont le second volet de la taxation des hydrocarbures ; les recettes qui en découlent sont liées à la valeur CAF des produits pétroliers qui eux-mêmes dépendent étroitement des prix sur les marchés mondiaux ; ce qui fait qu’en réalité, aussi bien l’Etat burkinabè que les pays producteurs profitent de la hausse des prix des hydrocarbures. Si les prix de 2000 à 2005 se fixaient autour de la moyenne des prix de 1994 à 1999, les recettes fiscales de l’Etat liées aux hydrocarbures auraient connu une baisse qui représente en fait le surplus engrangé par l’Etat grâce à la hausse des prix sur le marché international. Les chiffres disponibles indiquent que ce surplus est passé de 3.3 milliards en 2000 à 10.6 milliards en 2004, soit une augmentation de 221% ; et cela représente un surplus cumulé de plus de 32 milliards.
Le gain apparent de recettes fiscales cache en réalité des manques à gagner fiscaux à cause de la baisse de l’activité économique due à la hausse du niveau général des prix. Le modèle utilisé dans l’étude indique que la hausse des prix a un impact négatif sur le niveau potentiel de recettes fiscales hors hydrocarbures. On peut donc dire qu’une partie de ce que l’Etat gagne est perdue dans la baisse de la production nationale et par conséquent entraîne une baisse des taxes globales.
Face à cette situation, l’étude suggère une politique visant une baisse des prix des hydrocarbures avec des mesures d’accompagnement, et propose les solutions suivantes :
Définir une base taxable CAF des hydrocarbures
Il est souhaitable pour la dynamisation de l’économie que l’Etat renonce à la part des taxes due à la hausse des prix des hydrocarbures sur le marché international. Cela suppose que la base taxable des hydrocarbures soit comprise entre deux bornes : un montant plafond à ne pas dépasser, quelle que soit la hausse des cours sur le marché international, et un montant plancher qui est fixé de sorte à ne pas mettre en danger les recettes de l’Etat, du moins dans sa composante hydrocarbures.
De manière opérationnelle, le mandat de la commission interministérielle qui fixe mensuellement le prix pourra inclure la fixation de cette base taxable. Dans cette perspective, la commission doit être élargie au Ministère des Finances et du Budget, au lieu d’être limitée aux ministères en charge du commerce, de l’énergie et de l’économie et du développement. La périodicité de la détermination de cette base pourrait être annuelle.
Mesures complémentaires
A titre de mesures complémentaires, l’étude suggère d’envisager la pratique de la journée de travail continue au Burkina Faso pour diminuer la facture pétrolière du pays.
Le niveau actuel des prix des hydrocarbures et l’urbanisation galopante commandent une attention particulière sur une telle possibilité qui, en plus de la réduction de la facture pétrolière, peut permettre le développement d’activités connexes entraînant quelque peu une dynamisation de l’activité économique. Il s’agit par exemple des activités de restauration ou de cantine scolaire dans les écoles.
La crise pétrolière en cours a déjà conduit à de telles mesures dans certains pays africains comme le Maroc.